FESTIVAL "AVANT LES MOUCHES" Photographies argentiques du 8 au 24 mars 2001
La chaufferie - Strasbourg
C’est à partir des notions de perte, réminiscence, réalité et de mes rêves que j’ai désiré affirmer le goût pour les terrains fragiles, incertains…, dangereux, certes, mais propices.
Je me suis alors aventurée et investie dans l’organisation du festival « AVANT LES MOUCHES » où rien n’était sûr, même à la dernière minute… Il semblait qu’il n’y avait rien sous nos pieds simplement une chose : donner vie à un festival dont l’idée principale était de souligner la visibilité du processus créatif comme but toujours mouvant.
Le projet était fragile et instable mais d’autant plus intriguant… Il y eut des rencontres, des projections, des performances, on était constamment pris…, il n’y avait pas le temps de se poser dix mille questions, il fallait agir… toujours dans la précipitation, l’urgence…
C’est dans cette urgence que m’est venue l’idée de photographier ces rencontres…, des visages de manière floue et précipitée où il y a une part « contrôlée » et une autre part complètement hasardeuse, laissant place à quelque chose d’encore mouvant… Les visages apparaissent alors comme lorsque l’on ferme les yeux pour se souvenir d’un événement, d’une personne…, les formes…, oui les formes, les émotions sont perceptibles mais les contours restent, malgré tout, indécis et flous… Cela a été, je m’en souviens…, mais il y a ce décalage du temps qui fait que les choses s’estompent peu à peu.
L’acte même de la pose, « la soumission à un corps de rechange » métamorphosent le sujet devant l’appareil en un véritable spectre. Le processus photographique implique un rapport singulier au temps et donc à la mort. La photo inverse le cours du temps car elle projette le spectateur en arrière, dans le passé, annonçant une mort qui a déjà eu lieu et qui devient effective dès le moment où le regard se pose sur l’image. « La photo ne fixe que des fantômes; des morts ce qui reste à voir de leur vivant. Être vu ailleurs que là où je suis, si tant est que je sois quelque part. Une image de moi et c’est déjà trop tard. » (L’Animal)
La photographie comme le fantôme, possède cet étrange pouvoir de rendre présent quelque chose qui a disparu.
J’ai accroché des tirages encore mouillés sur les murs de la Chaufferie.
Avant les mouches = un gaz en train de chauffer = des tirages en train de sécher.
Il y a cette agitation, cette vibration de l’instant… mais « en faisant un portrait, on espère également saisir le silence intérieur d’une victime consentante » (Henri Cartier Bresson).